Le travail que je vous présente est réalisé au pastel à l’huile sur photographies.
Ces images peintes mesurent 10 par 15 cm et sont présentées sous marie-louise sur un format blanc de 40 par 50 cm de côté, cette page blanche est tout à la fois, l’espace et l’écrin nécessaires à leur intimité.
J’ai fait ces photos entre 1996 et 2004, lors de mes voyages en Afrique, précisément en Casamance, au Sénégal.
Je peins comme je rêve, comme je prie, comme j’aime… Poser mon âme là et la laisser librement jouer et vagabonder… J’aime cette recherche, cette errance, ce voyage…
Mon intervention sur les photos n’est pas « préméditée », je ne cherche pas à maîtriser l’image, je me laisse davantage porter par celle-ci et par les matières que j’y dépose. Les supports photographiques sont comme des fenêtres qui s’ouvrent sur un autre monde, une invitation… Dans certains cas, les peintures s’élaborent avec rapidité, d’autres fois, elles sont faites de repentirs successifs dont les images gardent les traces. Également, les interventions picturales sont différentes selon les périodes aux cours desquelles j’ai travaillé. Dans un premier temps, la matière fut épaisse, traitée sous forme de tâches ou d’aplats plus ou moins texturés. Par la suite, j’ai mouillé la matière avec de l’huile de lin afin d’obtenir des glacis et à coups de pinceau ou de couteau, j’ai balayé la surface de l’image, puis je l’ai gravée, tachée, essuyée… Mais dans tous les cas c’est de saisir l’instant qui a guidé mon travail et d’un geste spontané, j’ai tenté de rendre cet équilibre subtil, vulnérable et intime qu’est la vie.
Je me suis toujours interrogée, pas seulement en tant que peintre, sur le sens des choses et sur celui des apparences. Ce n’est pas tant ce que l’on montre qui compte mais davantage ce que l’on suggère. Ce « quelque chose » qui nous échappe.
Beaucoup des personnes qui sont ici photographiées me sont proches, ils appartiennent pour la plupart à l’ethnie Diola et s’appellent Manga, Biagui, Tende, Bassens… Mais mon travail n’a pas de vocation ethnologique, il retranscrit avant tout la part d’une amitié, d’un attachement et d’un rêve.
De fait, les histoires que je raconte ici sont indissociables de la mienne. J’avais… j’ai besoin d’espace, de mouvements et de couleurs… Et puis de vérité, de justice et de beauté.
Les hommes et les femmes qui m’ont fait l’amitié de me confier leurs images ont posé le plus souvent avec une certaine innocence : ils sont fiers et courageux. J’aimerais rendre à chacun, ici, là-bas et maintenant, un peu de cette dignité qui nous distingue et nous rassemble.
J’ai intitulé cette exposition « Oudjaou Kassoumay », signifiant en langage Diola : « Va en paix. »
Je la dédie à mon fils Samuel Biagui.
Annie Bottero
« De ses séjours réguliers en Casamance, au Sénégal, Annie Bottero rapporte des photographies qui lui remémorent une réalité familière : des proches, des amis, des scènes de la vie quotidienne.
C’est sur ce matériau, somme toute assez banal, qu’elle va opérer une transmutation : elle intervient manuellement sur ses tirages qu’elle peint, gratte, enrichit de graphismes, les arrachant à toute intention documentaire. En brouillant les arrière-plans, elle décontextualise les scènes et les personnages qui semblent parfois prendre valeur d’icônes africaines. Les corps émergent de la matière picturale qui emplit l’espace. Sans souci des contours ni de fidélité aux tons de la réalité, elle fait intervenir la couleur par aplats, pour elle-même, avec une puissance suggestive qu’accentue la trace des gestes du peintre. Souvent, des envolées de « flocons » blancs ou dorés achèvent de déréaliser ces scènes ordinaires qui semblent, tels des souvenirs lointains et heureux, magnifiés par la mémoire.
Annie Bottero est d’abord peintre, plus désireuse de suggérer que de montrer. La photographie lui fournit le point de départ de son travail : des éléments puisés dans sa propre vie, des êtres avec qui elle entretient une relation affective profonde et à qui elle entend rendre hommage. Cette base photographique lui permet de se consacrer au traitement émotionnel des sujets, en toute liberté, à son rythme, affranchie de la tyrannie de l’instantané, gardant parfois la trace des repentirs successifs. Sans intention préméditée, elle peut alors prolonger à sa guise la vision du photographe, se laisser porter par l’image, l’éloignement temporel, l’humeur du présent. »
Jean-Christian Fleury
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